Aujourd’hui j’aimerais vous parler de l’allaitement. L’idée de cet article m’est venue du carnaval d’articles lancé par « Blog 2 mamans » sur l’alimentation du bébé et de l’enfant. J’ai trouvé l’idée géniale, et à cette occasion j’aimerais vous parler du manque de lait. Quand vous parlez de l’allaitement autour de vous, c’est fou le nombre de mamans qui vous diront « je n’avais pas de lait / je n’en avais plus / je n’en avais pas assez ». Terrible fléau qui touche les mamans depuis 3 ou 4 générations ? Pas vraiment.
Je vais commencer par un résumé très simple des choses importantes à savoir avant d’allaiter :
- toutes les femmes peuvent allaiter, peu importe ce que vous diront votre mère, votre grand-mère, votre tante, votre cousine ou votre meilleure amie.
- allaitez sans contraintes horaires : ne pas imposer de rythme comme celui que certains imposent aux bébés au biberon (nombre, durée, fréquence des tétées).
- allaitez dès les signes d’éveil : allaiter aussi souvent que le nouveau-né s’éveille, c’est-à-dire remue, ouvre la bouche, tire la langue, avant qu’il ne se mette à pleurer.
- soyez disponible et proche de votre bébé pour pouvoir répondre à ses demandes, à ses signes d’éveil : d’où l’importance de la proximité maman-bébé facilitée par le portage à bras ou en écharpe, le cododo, le congé maternité voire plus si possible.
- ne donnez que votre lait. Aucune boisson ou autre aliment. C’est très important pour la mise en place de votre allaitement, et c’est amplement suffisant les six premiers mois de l’enfant.
- il y aura des moments plus faciles que d’autres, des périodes où bébé pleurera, aura envie d’être plus souvent au sein, où vous aurez l’impression qu’il n’a pas assez de lait, ces périodes sont normales et transitoires, elles correspondent à des périodes de développement, appelées aussi « pics de croissance ».
- un bébé qui pleure n’a pas « que » faim. Il peut avoir froid/chaud, être dérangé par quelque chose (une étiquette qui gratte, un vêtement trop serré, une couche sale), avoir mal, être fatigué, avoir besoin d’être porté, car un bébé est un être social, il a besoin d’un contact rapproché avec ses parents et d’interactions.
- faites-vous aider. Reposez-vous, le ménage peut attendre, laissez-vous guider par le rythme de votre nouveau-né afin de ne pas vous épuiser. Rencontrez d’autres parents allaitants.
- le sevrage naturel n’existe pas avant 2 ans. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande un allaitement exclusif pendant six mois, et en complément d’une alimentation diversifiée jusqu’à deux ans minimum.
- la croissance d’un bébé allaité est différente de celle d’un bébé nourri avec des préparations pour nourrissons. Les courbes du carnet de santé français étant faites à partir de données récoltées sur des enfants nourris en majeure partie par des préparations pour nourrissons, préférez suivre la croissance de votre enfant sur les standards (courbes) de croissances de l’OMS (que vous pouvez retrouver plus facilement ici sur le site galactee.org).
- faites-vous confiance. Vous seule savez ce qui est bon pour votre bébé, puisque c’est le votre. Alors n’écoutez pas trop les conseils des autres, peu importe leur job ou leur nombre d’enfants.
- en cas de difficultés, rapprochez-vous de personnes compétentes en matière d’allaitement : une consultante IBCLC (dont l’annuaire par département est consultable ici), une maternité au label Initiative Hôpital Ami des Bébés (IHAB), un professionnel titulaire du DIULHAM (diplôme inter-universitaire lactation humaine allaitement maternel), une association en faveur de l’allaitement (La Leche League France, L’Allaitement Tout Un Art…)…
Qui peut allaiter ?
Il n’existe qu’une seule grosse difficulté « innée » à l’allaitement : l’hypoplasie mammaire (appelée aussi seins tubéreux). Elle est rarissime. Elle est caractérisée pour une absence (ou une insuffisance) de développement de la glande mammaire. Il existe bien sûr différents degrés, et certaines femmes pourront même allaiter partiellement voire exclusivement leur enfant malgré cette anomalie!
Ensuite il peut y avoir d’autres causes, que j’appellerais « secondaires » ou « acquises » de difficultés à allaiter : une chirurgie mammaire comme l’augmentation mammaire (la pose d’implants, si elle est faite à travers la glande et non sous le muscle pectoral), mais surtout et bien plus fréquemment la réduction mammaire (on ne peut enlever de la matière graisseuse sans enlever de la matière glandulaire (les cellules qui produisent le lait et les canaux qui servent à son évacuation vers le mamelon)), une chirurgie mammaire pour toute autre raison (abcès, résection de tumeur bénigne ou maligne…), une radiothérapie mammaire, la pose de piercing au niveau des mamelons…
Vous voyez? Les causes « anatomiques », qu’elles soient « innées » ou « acquises », ne touchent pas la majorité des femmes! Et même les femmes avec ces antécédents peuvent réussir à allaiter partiellement voire exclusivement leurs enfants. Mais alors, d’où vient ce « manque de lait » ? Celui qui touche toutes les femmes de nos entourages ? Et bien il vient de croyances erronées, d’une désinformation des femmes qui deviendront mamans, mamies, amies, tantes, cousines, mais aussi des hommes qui deviendront papas, papis, amis, oncles ou cousins, des enfants, qui véhiculeront aussi ces idées reçues qui seront ancrées en eux.
Alors ces idées quelles sont-elles, et d’où viennent-elles ?
Elles datent d’un siècle, ce qui est ridicule à l’échelle de l’Homme, mais qui est assez ancien pour être ancré dans les croyances et être véhiculé comme vérités. Il y a un peu plus de cent ans donc, étaient inventés les premières préparations pour nourrissons (appelés à l’époque laits maternisés, laits infantiles, laits artificiels, laits en poudre…) puis le biberon. Au départ, ce fut une véritable catastrophe, les préparations étant de très mauvaise qualité, les premiers biberons étant des nids à bactéries, ils ont causé des décès et n’ont pas fait l’unanimité tout de suite. Les entreprises se sont ensuite perfectionnées, ont tout misé sur la publicité qui s’est développée de manière exponentielle, l’émancipation de la femme a fait son bout de chemin (« mon corps, mes choix », les femmes ont voulu travailler et être l’égale de l’homme) et surtout, le regard sur l’enfant a changé. Truby King (dont je parlais ici), Freud et d’autres se sont imposés comme modèles dans la connaissance des enfants, laissant à l’enfant la place d’un veau à éduquer ou d’un tyran à dresser.
Sont alors apparues un tas de règles comme : ne pas prendre l’enfant à bras au risque qu’il s’habitue, le laisser pleurer la nuit car il ne doit pas confondre le jour et la nuit, le laisser pleurer le jour pour le développement de ses poumons, lui donner à manger à heures fixes et en quantités contrôlées…
Que provoquent ces règles sur l’allaitement? Et bien chez certaines femmes qui sont en « hyperlactation », c’est-à-dire qui produisent énormément de lait, le retentissement sera minime voire non perceptible, par contre il provoquera une diminution rapide de la production de lait chez toutes les autres, par manque de stimulation. Le fameux « manque de lait ». L’enfant ne peut pas téter à sa faim, le sein n’est pas stimulé, il produit de moins en moins jusqu’à s’arrêter de produire. Il en va de même avec toutes les méthodes plus « douces » comme faire patienter l’enfant un certain nombre d’heures entre chaque tétée, lui donner une tutute pour voir s’il se rendort sans le sein, ne donner qu’un sein par tétée, ne donner qu’un certain nombre de minutes… Et bien sûr, la place des compléments ! Quelle bonne idée de dire à nos mères dès la naissance qu’elles n’étaient pas capables d’assumer les besoins de leur nourrisson et qu’il était indispensable de donner des compléments au biberon à leurs enfants. Pendant que l’enfant était repu avec la préparation pour nourrisson donnée au biberon, il ne stimulait pas le sein de sa mère qui ne produisait donc pas assez. Et puis étant donné qu’il n’avait aucun effort à faire avec le biberon, il finissait par le préférer au sein de sa mère qui produisait de moins en moins (ce que certains appelleront la fameuse « confusion sein-tétine »).
Qui aurait intérêt à faire foirer les allaitements, à donner des préparations pour nourrissons dès la maternité, à détruire la confiance en elle de la maman ? Je vous laisse regarder ce reportage de Cash Investigation sur les pratiques des multinationales productrices de préparations pour nourrissons ici (à partir d’1h24). Vous verrez que ce qu’il se passe actuellement dans certains pays du tiers monde ressemble étrangement à ce que nos mères et nos grands-mères ont connu ici il y a quelques années. L’accès aux soins et à l’eau courante en plus… ce qui est loin d’être négligeable.
Les bons réflexes
Si vous envisager d’allaiter, renseignez-vous au bon endroit. Pas chez votre mère qui vous a allaitée 3 heures, 3 jours ou 3 mois, ni votre cousine qui a sevré pour la reprise du travail parce qu’elle ne connaissait aucune autre alternative. Lisez les feuillets de La Leche League (LLL) France (ici) ou rendez-vous à une de leurs réunions, lisez le livre « l’art de l’allaitement maternel » (disponible ici), allez feuilleter le magazine Hot Milk (téléchargeable ici)…
Et le fameux « j’ai dû sevrer pour ceci ». En ce qui concerne les médicaments contre-indiqués avec l’allaitement, il vous suffit de vous renseigner, parce que les professionnels de la santé ne sont pas tous formés à l’allaitement. Premier réflexe, le site du centre de référence sur les agents tératogènes, le CRAT pour les intimes. Une base de données sur les médicaments et les examens médicaux compatibles ou non avec la grossesse et/ou l’allaitement. Il vous suffit de taper le nom du médicament pour avoir la réponse. Voici le site : https://lecrat.fr/ (il vous suffit de taper « CRAT » sur Google pour le retrouver).
En ce qui concerne les autres causes fréquemment évoquées de sevrage, comme la reprise du travail, les coliques, les réveils nocturnes de bébé, vous trouverez toutes les informations sur le site de LLL France : https://www.lllfrance.org/
Si vous le désirez, vous pouvez aussi (re)voir mes fiches sur l’allaitement ici : L’allaitement simplement.
Crédit photo : Ivette Ivens http://www.ivetteivens.com
Oooh j’adore ton article !! Je suis tellement d’accord avec toi !! Toutes ces femmes qui disent » je n’avais pas assez de lait « , au final je suis triste pour elles. Elles en avaient assez mais la société leur a fait croire que non 😦
Et le lien du CRAT est très important aussi et pas assez connu !! J’ai été opérée quand ma fille avait 8 mois et j’ai pu continuer l’allaitement !! Il était bien installé donc une pause de 2 jours n’a pas posé de soucis, on a repris après. J’avais tiré mon lait pendant mon hospitalisation (bon j’avais jeté le lait de ces deux jours là, étant pas sûre de moi, c’était surtout pour stimuler la lactation), et j’ai pu remettre ma fille au sein dès mon retour à la maison !
J’aimeAimé par 1 personne